On m'a récemment offert un très vieux bouquin de 1938 "Principes de psychologie appliquée" de ce cher Henri Wallon (que je mettrais évidemment à disposition de ceux qui le souhaitent même si l'intérêt est assez restreint à mon goût, pour qui aime la psychologie du travail donc).
En fait, c'est surtout la conclusion qui se trouve assez intéressante par rapport au dernier thème que nous avions abordés lors de cette rencontre du 25 novembre. Je vous la retranscris entièrement (sinon on ne comprend pas le propos) n'ayant pas de scanner sous la main (attention aux yeux c'est du Wallon pur jus):
"Dans les cadres de la psychologie appliquée, certains auteurs font rentrer la psychothérapie. Si le traitement des névroses et des psychoses par des procédés psychologiques laissait entrevoir déjà, comme font les recherches suscitées par le travail, par les besoins du commerce et de la justice, certaines données fixes sur l'activité psychique, avec la possibilité d'en accroître le nombre par des méthodes appropriées, et d'en étendre systématiquement la portée, il n'est pas douteux que les résultats théoriques de la psychothérapie contribueraient à défricher l'ancien domaine réservé de l'âme et qu'elle appartiendrait elle-même à celui qui est, sans exactitude, désigne sous le nom de psychologie appliquée. Mais elle est d'un type exactement inverse. Sans doute, elle s'est recommandée, à différentes époques, de différentes doctrines, dont elle se donnait, au sens exact du mot, comme l'application, c'est-à-dire comme vraiment déduite de leurs vérités théoriques. Mais, après n'avoir inspiré de recherches que le plus souvent artificielles, la doctrine finissait régulièrement par succomber sous le poids de ses floraisons extravagantes. Ainsi de l'hystérie naguère. Ainsi bientôt, sans doute, de la psychanalyse.
Ce n'est pas que le mouvement suscité ou exprimé par elles soit infécond. Il ne l'est qu'aux mains de ceux qui en cultivent la lettre, et s'épuisent à la multiplier sous ses espèces les plus alambiquées. Car en bouleversant l'ordre des valeurs admises, elles ouvrent dans les vieux systèmes une crise, qui en révèle la clarté factice, fondée sur l'ignorance et la négation. Dès lors ne peuvent plus se maintenir que ceux des résultats anciens vraiment issus de l'expérience, mais dans un équilibre modifié. C'est par les réactions salutaires dont elles deviennent ainsi l'origine, qu'elles sont utiles. Mais, quand elles prétendent se justifier par leurs succès thérapeutiques, elles recourent à un critère qui fut, sans moins de preuves à l'appui, celui des doctrines les plus désuètes, celui des faiseurs de miracles et des guérisseurs. La psychologie de la guérison reste sans doute à faire ; par ses résultats, elle pourrait donner l'équivalent de ceux qui sont obtenus dans les autres domaines de la psychologie appliquée. Mais la guérison ne saurait servir à consacrer le contenu d'aucune théorie psychologique, car elle est capable de consacrer celui de toutes les croyances.
Les preuves que donne d'elle-même la psychologie appliquée, c'est que non seulement elle rend l'action plus efficace, non seulement elle améliore ou crée les techniques ; mais c'est qu'elle ouvre, par ses résultats et par ses méthodes, des champs où les connaissances peuvent s'ajouter aux connaissances. Avec elle l'empirisme et le prophétisme cèdent le pas à la science."
Bon déjà la psychanalyse en prend un coup dans l'aile mais c'est surtout une mise en garde. Multiplier les concepts (tels que l'activité ludique, passe-temps, etc) et les vignettes cliniques ne sert à rien si ça ne permet pas d'expliquer davantage de phénomènes. Il s'agit véritablement d'élaborer des outils dignes de ce nom pour expliquer l'inexpliqué, inutile d'aller chercher des raisons supplémentaires là où il n'y en a pas besoin comme on le voit encore dans beaucoup d'articles (toujours le principe du rasoir d'Occam : la théorie la plus courte est toujours la meilleure)